Rudi Garcia — 3 petites saisons et puis s’en va ? 

L’OM a subi une 5ème défaite en 6 matches de Ligue Europa, une élimination contre Strasbourg en Coupe de la ligue et arrache un match nul à Angers pour son dernier match de l’année. L’équipe présente un bilan de 11 défaites et seulement 8 victoires en 24 matches toutes compétitions confondues depuis le 10 août. Cette dernière prestation contre Limassol, débouchant sur le pire nombre de points engrangés par un club français en phase de poules de Ligue Europa, sonne comme la confirmation d’un malaise palpable depuis août. Le Vélodrome, étrangement patient depuis le début de la saison, malgré le (non)jeu proposé par l’équipe, commence à fortement gronder. Pire, tel un boulimique ingurgitant des mets avariés, il se vide. Et un homme se retrouve dans l’œil du cyclone : Rudi Garcia. Son omnipotence et sa communication commencent à déplaire fortement. 

JUPITER GARCIA

Au moment du départ de Michel Seydoux de Lille, Rudi déclara : “On a vécu des moments fantastiques. Il y avait une belle solidarité avec les dirigeants à l’époque et, comme par hasard, quand il y a une bonne cohésion, ça marche”. Nul doute qu’il sait de quoi il parle. 

Dans tous les clubs où il est passé, Garcia a cherché à avoir les coudées franches et n’hésite pas à matraquer toute opposition interne. A Lille, ses relations exécrables avec le Directeur Général Xavier Thuilot débouchent sur un limogeage le 2 juin 2009 alors que l’équipe a terminé à une 5ème place prometteuse. Le Conseil d’Administration du Club qui prend finalement fait et cause pour Garcia remercie Thuilot. Rudi répond à l’appel du 18 juin de Seydoux et reprend son poste, auréolé d’une pleine puissance dont finira par bénéficier le club avec le titre de 2011. 

A l’AS Roma, au-delà des résultats, l’ambiance entre les dirigeants romains a également eu raison de Rudi le fougueux. Le quatuor infernal Jim Pallotta (président), Walter Sabatini (directeur sportif), Mauro Baldissoni (directeur général) et Rudi Garcia n’arrive pas à communiquer de manière intelligente. Les choix sportifs et techniques ne sont pas pris d’un commun accord, permettant à chacun de se décharger sur les décisions des autres. Garcia, n’appréciant pas de n’être que Mercure et non Jupiter, limite ses efforts de communication interne au strict minimum.  

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Le Penseur, de Rudi.

Peu avant son limogeage, Garcia a notamment critiqué la forme physique de son effectif, renvoyant une piètre image des préparateurs physiques du club choisis par Pallotta. Jim Pallotta considère cet affront comme un remake du coup de poignard de Brutus. Il rétorque sèchement après le limogeage de Garcia : « Quand en décembre tu as des joueurs qui viennent te voir pour t’expliquer qu’ils ne sont pas en forme, c’est qu’ils n’en font pas assez à l’entraînement. J’aurais dû prendre cette décision encore plus tôt », attestant que le divorce était aussi inévitable que celui du Prince Charles et de Lady Di. 

Sa prise de pouvoir à Marseille est dans la lignée de cette volonté de tout contrôler. Pas étonnant qu’il soit jumeau de cernes avec Thanos. Cela a commencé dès ses premiers matches, où il décide de donner le brassard à Gomis alors que les joueurs avaient souhaité le confier à l’intermittent du spectacle Lassana Diarra. Cette décision fut heureuse, au contraire de nombreuses autres.  

Les derniers transferts se révèlent des échecs cuisants. Hormis Gustavo, aucun transfert depuis le mercato hivernal 2016-2017 n’a été satisfaisant. Le transfert de Kévin Strootman, surnommé « la lavatrice » par Garcia lors de leur époque romaine, est le symptôme des erreurs récentes du Sergent. Aveuglé par sa confiance en l’homme, Garcia a fait prendre un investissement financier aux dirigeants marseillais qui s’avère pour l’instant aussi concluant qu’une tentative d’Hercule de vaincre Cell

L’emprise de Garcia arrive à faire passer Andoni Zubizarreta pour un pantin. Celui qui a été directeur sportif de Barcelone pendant 4 ans et demi a signé une semaine après Garcia en octobre 2016. Depuis, les supporters marseillais se demandent sérieusement quelle est sa place et son pouvoir dans les prises de décision.  

Réponse le 30 novembre dernier dans une interview pour l’Equipe, pour celui qui considère l’OM Campus (centre sportif mis à disposition de l’équipe féminine et des minots) comme sa plus grande réussite pour l’instant. Ses phrases « mais pour moi, a ce moment-là, la priorité, c’est Caleta-Car, c’est vu avec Rudi donc j’avance là-dessus », « ce n’est pas possible de recruter un joueur qu’un entraîneur n’aime pas » et surtout « certains disent que Strootman, c’est Rudi, et Luiz Gustavo, c’est moi. Ce sont deux joueurs de l’OM. L’ego, je le laisse un peu de côté » ne laissent pas de place au doute. Zubi met son ego de côté et laisse Garcia décider. Mais il n’oublie pas de rappeler que la réussite Gustavo est à mettre à son actif, faisant le parallèle avec le choix de Strootman. En coulisses, il est inquiet de la situation et ses états d’âme depuis cet été sont remontés aux oreilles de Eyraud et McCourt, qui s’y connaissent autant en football qu’un fantassin de la guerre de Cent Ans.  

Est-ce un hasard si Garcia parle de manière plus bienveillante d’Andoni dans ses interviews ? Après avoir clamé que la prolongation de Zubizarreta en même temps que lui faisait son bonheur, il déclare le 18 décembre concernant le mercato hivernal que « Andoni travaille et s’il y a des joueurs qui arrivent, c’est tant mieux ». De quoi laisser penser que le tandem McCourt/Jacques-Henri Jacquard a joué au croupier et a redistribué les cartes.  

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Le Boss à gauche, le sous-fifre à droite.

Quoi qu’il en soit, la stratégie initiale de Garcia est risquée car il n’y a pas de fusible entre lui et les mauvais résultats. Il a par exemple fait venir à l’OM Franck Le Gall, médecin de l’équipe de France qu’il a connu à Lille, ainsi que Paolo Rongoni, ancien préparateur physique de l’AS Roma. Il a donc tous les leviers au niveau sportif dans le club et quand cela ne fonctionne pas, il est normal que les supporters lui demandent des comptes. D’autant plus que sa communication n’est pas toujours très bien sentie. 

UNE COMMUNICATION DANS L’OUTRANCE

Le Rudi-show a surtout commencé en Italie. Si son aventure chez les Dogues lui a assurément donné de la confiance, la rhétorique de Garcia a pris un tournant en épingle en passant les Alpes. Sa satisfaction de remettre dès ses débuts « l’église au centre du village » contre les Laziale, ses diatribes contre l’arbitrage, sa certitude de ramener un Scudetto et ses virevoltements en conférence ont eu un impact très positif envers son groupe et les supporters, qui ont vu en lui en vrai meneur d’homme. Il a pris en charge un club meurtri, quelques semaines après la défaite historique contre l’autre équipe de Rome en finale de Coupe d’Italie. 

Cette communication réussie de début de mandat s’effritera au fur et à mesure. En 2014, à la suite d’une nouvelle défaite contre la Juve, il déclare : « Ce soir, j’ai compris qu’on était meilleurs et qu’on allait gagner le Scudetto. On le prouvera sur le terrain ». Les résultats n’étant pas là, ses sorties se retournent contre lui et les tifosis perdent confiance. 

Ses premières conférences à Marseille provoqueront moins d’engouement qu’à Rome, mais après Michel et le robinet d’eau tiède Franck Passi, Garcia obtient tout de même du crédit sur la Canebière. Il fait deux conférences de presse par semaine, défendant le club comme il se doit, ce qui reste apprécié. 

Mais le manque d’identité dans le jeu marseillais depuis son arrivée et surtout les échecs contre des bonnes équipes sont en train de lasser les supporters, qui considèrent le discours de Garcia comme peu responsabilisant. Notamment parce que ses cibles préférées sont les hommes en jaune. Non pas qu’il appartient au gouvernement Macron, mais plutôt qu’il a une dent contre les arbitres. Une fois sur deux, la défaite est de la faute de l’arbitrage, l’autre fois sans doute de la faute du vent ou de la cuisson des pâtes du déjeuner.  

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Garcia mimant l’écran de la VAR.

Et dans les derniers mois, les discours responsabilisants de Garcia ont été faits dans un timing peu heureux. A la fin du mercato 2018, il sort : « on a mis 80 buts en championnat avec ces deux attaquants là. Si on reproduit ça, on sera sur le podium à condition qu’on prenne moins de buts. Donc on n’a pas besoin d’un attaquant de pointe », ce qui lui est reprochée par les Marseillais. Alors que l’OM a fait aux yeux de tous la danse du ventre à un n°9, affirmer qu’ils n’en avaient pas besoin revient à prendre les supporters pour des aliments surtout connus à Guémené, des grosses andouilles. Avec cette phrase et alors qu’il a eu gain de cause pour renforcer sa défense, il sera considéré comme le premier responsable. 

Enfin, ses récentes prises de position contre les joueurs laissent des traces. Après la défaite à Montpellier 3-0 le 4 novembre dernier il déclare : « je suis très en colère, je suis autant responsable que les joueurs de cette défaite, mais mon équipe c’est celle de la première mi-temps, pas de la deuxième. Comment expliquer? Je n’en ai aucune idée, j’aimerais bien que les joueurs s’expliquent ». Puis après la nouvelle défaite contre Nantes 3-2 le 5 décembre, il vocifère : « on a pris des buts sur exactement les choses qu’on avait montrées aux joueurs en préparation de match : des centres, des ballons dans notre surface… C’est à se demander à quoi ça sert de faire des préparations de match. Je vais essayer de rester mesuré ce soir, de protéger mes joueurs et de les défendre, mais quand on fait de nouveau des erreurs individuelles et qu’on prend trois buts à l’extérieur, c’est compliqué d’envisager de gagner. Je pense qu’on a bafoué les fondamentaux, on n’est pas loin d’avoir la palme de la stupidité ». Des mots très forts, soudains, qui peuvent froisser un vestiaire peu habitué à être critiqué par leur entraineur depuis son arrivée.  

Dernier exemple en date, le minot Kamara écarté pour le match face à Angers pour manque d’investissement. Garcia l’a fait jouer respectivement milieu défensif, puis sur tous les postes de la défense depuis le début de la saison. Alors que Boubacar semblait pendre son envol et résister à la pression marseillaise, Rudi est fortement responsable de son manque de régularité à force de le trimbaler sur le terrain. Cette décision risque surtout d’agrandir la fracture avec les supporters. Pour comprendre la taille de la fracture entre les deux camps en ce moment, une radio d’Abou Diaby est ce qui s’en rapproche le plus.

Alors que ses joueurs ont semblé très peu impliqués contre Limassol et pendant les premières mi-temps contre Strasbourg et Angers, la rigueur hivernale du mois de janvier permettra de savoir si la relation entre Rudi et ses joueurs a toujours un avenir.

Lire aussi : Mourinho, the Greatest One

RUDI MOURINHO ET JOSÉ GARCIA

Rudi Garcia est un entraîneur atypique, avec des succès à son actif mais surtout des situations contrastées depuis Lille, ne lui permettant pas d’être considéré comme un grand entraîneur. Si son palmarès n’est pas infamant pour un entraîneur français, la comparaison avec José Mourinho ne se situe pas à ce niveau. Garcia qui regarde le Mou, c’est Sanka Coffie qui regarde Irvin Blitzer en disant « ça, c’est un palmarès, pas un pedigree ». Notre pilote de push cart de Nemours soutient en revanche la comparaison dans leur propension commune à sombrer dans leur 3ème année dans un club. Si Mourinho est coutumier du fait après son 1er départ de Chelsea, Garcia a connu ça à la Roma et est en passe de connaître ceci à Marseille s’il ne redresse pas très rapidement la barre. Ajoutez à ceci une communication grisante au début de prise de fonction, contestée en milieu de mandat et qui fini par être agaçante pour toute personne dans l’environnement du club, et on peut se demander si le récent limogeage de Mourinho n’est pas un vrai signe pour Garcia. 

Rudi c’est aussi José Garcia, capable de fulgurances dans sa carrière et de réussir des performances comme Nulle Part Ailleurs. Mais la vérité si je mens, les marseillais sont plutôt dans l’optique de le considérer comme Le Boulet et de scander Pars vite et reviens tard lors de la prochaine purge. Peu importe si les dirigeants de l’OM ont décidé de prolonger son contrat jusqu’en 2021, un mois de janvier dans la lignée des 2 derniers mois peut lui être fatal. « Ma philosophie est qu’en jouant bien, on gagne plus de matches qu’en jouant mal », disait-il avant de rejoindre le LOSC. A l’heure qu’il est, Rudi peut donc arriver tout seul à la conclusion de pourquoi l’OM reste sur 1 seule victoire lors de ses 12 derniers matches. 

Car l’OM sous Garcia est une bouillabaisse nouvelle génération. Initialement une soupe pour pauvres avec de la saveur, la bouillabaisse est maintenant considérée comme une soupe pour riches, rarement de bonne qualité. La recette est identifiée : faire bouillir la soupe dans le récipient et tenter un mélange équilibré de différents ingrédients, en espérant que les poissons soient de qualité. Le chef est en grande partie responsable de la réussite d’une bouillabaisse. Or, ici Garcia est le cuistot. Avec l’arrivée du propriétaire de restaurant McCourt, l’attente des clients est devenue plus importante d’autant plus que le prix a grimpé. Garcia choisit des poissons qui ne sont pourtant pas frais pour la plupart, malgré le prix de ceux-ci. Il les mélange à des ingrédients tactiques aussi déséquilibrés qu’un combat de boxe entre Klitschko et Elie Semoun. Enfin, il ne parvient pas à faire bouillir la soupe au sein du récipient Vélodrome à cause du manque de flamme dans le jeu proposé. Cela engendre un plat raté où le client, qui s’attendait à monts et merveilles, a l’impression d’avoir payé bien cher pour un met dégueulasse et a de fortes envies de crier haut et fort « Cuistot Démission ». La bonne sauce rouille de la bouillabaisse est ici remplacée par une sauce footballistique rouillée made in Garcia, symbolisée par les 0 frappes tentées contre Angers en 1ère mi-temps. Du jeu et vite ! 

Andy Pape Mamad

 

 

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