
La saison 2018-2019 du Real Madrid restera comme la saison du retour brutal sur terre. Après deux ans et demi de succès, et après avoir quasiment tout raflé sous l’impulsion du duo Zidane-Ronaldo, le club merengue finira cette saison sans enjeu ni aucun trophée. Avant le derby de ce soir qui opposera le Real Madrid à Getafe, retour sur une saison blanche prévisible, où les madrilènes subissent de plein fouet les manquements passés.
LE SYNDROME DU GAGNANT ET LA MAUVAISE LECTURE DE L’AVENIR
Si l’on devait faire le diagnostic de ce Real Madrid, on arriverait tous à la même conclusion : le Real Madrid souffre du syndrome du gagnant. Une « maladie » connue des grandes équipes qui gagnent tout ou presque sur une période donnée et vécue lors du retour sur terre. La période connue des plus grands qui suit une période faste et qui précède la suivante période faste d’un club. Le déroulement de l’exercice en cours s’explique par certains facteurs précis.
Un retour en arrière s’impose.
La Ligue des Champions glanée à Kiev au détriment de Liverpool était ce que l’on pourrait considérer comme un cache-misère ; en effet, le club merengue, bien que roi d’Europe pour la troisième saison consécutive, a affiché un niveau bien poussif et a sauvé les apparences (et par extension la fin de sa période dorée) grâce à l’expérience de ses cadres. Un exercice en Liga raté, une élimination humiliante à domicile face à Leganés en coupe du roi et des qualifications sur le fil en quart puis en demi-finale de Ligue des Champions : c’était là les signes avant-coureurs d’une fin de cycle, d’une inévitable chute pour la Casa Blanca.

Le Real Madrid paye aujourd’hui les conséquences de mercato ratés (notamment celui de l’été 2017) et de sa gestion d’effectif, qui mieux négociée aurait permis au club madrilène d’asseoir et d’étendre davantage sa domination européenne et domestique sur la durée. La politique de Florentino Perez qui se voulait très ambitieuse et qui voulait incorporer des bébés galactiques fût un quasi échec. A l’exception de Vinícius Júnior (qui n’intégrera le club que l’été passé mais qui fut recruté en 2017), de Federico Valverde, d’Alvaro Odriozola ou encore de Marcos Llorente, aucune recrue ni retour de prêt n’a donné satisfaction depuis l’été 2016. Ajoutez à cela des départs non compensés en 2017 (James Rodriguez, Pepe, Alvaro Morata) puis en 2018 (Cristiano Ronaldo) peu de temps après la finale de Kiev ainsi qu’un mercato insipide et vous aurez les bases des multiples déroutes madrilènes qui ont suivi.
Retour maintenant sur la saison en cours qui n’est autre que celle du retour de bâton, du signal d’alarme en vue d’un profond changement pour retrouver la place qui était sienne quelques mois plus tôt.
UN DEBUT DE “L’APRES ZIDANE“ PROMETTEUR
Suite à l’annonce de Julen Lopetegui sur le banc du Real Madrid, le club madrilène et ses supporteurs s’enthousiasmaient. Son travail à Porto ainsi que ses succès avec la génération Isco/De Gea/Thiago en 2013, puis de 2016 jusqu’à la veille du mondial 2018 étaient de bonne facture. Ses équipes pratiquant toujours un jeu fluide et léchée, sa venue était vue comme un bon coup par le Real Madrid et la transition après la période dorée s’annonçait sous le signe du jeu et de la possession.
La pré-saison américaine du club merengue est prometteuse. Malgré la défaite 2-1 face à un Manchester United bien plus en avance dans sa préparation, le Real Madrid se veut ambitieux et Lopetegui met déjà en place sa patte ; sur certaines séquences de jeu, on sent une équipe pleine de volonté et voulant s’approprier les idées du technicien espagnol. La suite de la préparation est studieuse et pleine d’espoir, entre autre grâce aux bonnes performances du duo Asensio-Vinícius et à un Karim Benzema qui semble assumer son rôle de numéro 9.

Vint alors le premier match officiel de l’équipe synonyme de premier couac de l’équipe : la finale de la Super-Coupe d’Europe. Un trophée anecdotique aux yeux de pas mal de monde mais à Madrid tous les trophées comptent et encore plus lorsque l’adversaire n’est autre que son voisin : l’Atletico Madrid. Les Colchoneros raviront la coupe en prolongations sur le score de quatre buts à deux. Ce match révèlera déjà le manque de profondeur d’effectif (notamment en attaque pour épauler Benzema), l’absence de Ronaldo déjà palpable dans les grands matches et enfin les limites physiques des mondialistes à peine de retour pour cette confrontation. Les 6 matches suivants verront la Casa Blanca s’imposer à 5 reprises, notamment lors du match à domicile contre la l’AS Roma en Ligue des Champions, et arracher un nul poussif sur le terrain de l’Athletic Bilbao.
LE DEBUT DU CAUCHEMAR MADRILENE
Si Lopetegui avait les résultats pour lui malgré plusieurs choix curieux (Casemiro sur le banc, Kroos seul devant la défense,…), le même ciel conquis par les madrilènes va s’abattre sur leurs têtes. Ça commencera par la gifle reçue en terre sévillane à Sánchez Pizjuán : un cinglant 3-0 et un match plié en 39 minutes qui aurait pu être bien plus lourd sans un Thibaut Courtois à son niveau (et le seul à l’être) ce soir-là. Ont suivi un nul ennuyeux à domicile face à des Colchoneros venus pour jouer un match vierge de but et trois défaites sur les terrains du CSKA Moscou en Champions League, en Liga sur le terrain d’Alavés et à domicile face à Levante. La courte victoire sur leur pelouse face au Viktoria Plzeň ne donnera pas suffisamment d’allant et d’air aux hommes de Lopetegui et n’empêchera pas la fessée reçue au Camp Nou dans un clasico qui coutera cher au technicien espagnol.

Le 29 octobre dernier, soit le jour suivant la manita en terre blaugrana et après seulement quatorze matches, Julen Lopetegui est limogé de son poste. Son bilan est de deux matches nuls pour six victoires et autant de défaites. Santiago Solari lui succède. Le technicien argentin, avant coach du Castilla (l’équipe réserve du Real Madrid) démarre sa courte aventure à la tête de l’équipe première par une promenade de santé sur le terrain de Melilla (équipe de D3 espagnole) sur le score de quatre buts à zéro en seizième de finale de Coupe du Roi. S’en suivront ensuite dix matches pour huit victoires et deux lourdes défaites (à chaque fois au Santiago Barnabéu) face à Eibar en Liga et contre le CSKA Moscou. Arrivent ensuite les deux matches de Coupe du Monde des Clubs que le Real remportera. Un cache-misère qui n’en est pas un à l’heure du bilan d’une première partie de saison relativement décevante et poussive.
Nous sommes désormais au début de l’année civile 2019 et d’entrée le Real Madrid commence par deux contre-performances : il concède le nul sur le terrain de Villarreal puis enchaine avec une défaite sur sa pelouse face à la Real Sociedad. Après ce revers, les hommes de Solari vont disputer douze matches pour un bilan de dix victoires, dont une nette victoire 3-1 sur le terrain de l’Atletico ainsi qu’un succès étriqué sur la pelouse de l’Ajax Amsterdam en C1, un match nul en demi-finale de Coupe du Roi au Camp Nou et une défaite sur son terrain face à Girona.
Nous arrivons maintenant dans ce qui sera alors une semaine cauchemardesque du Real Madrid.
De la demi-finale retour de Coupe du Roi perdue lourdement face à un Barcelone ultra-réaliste, à l’élimination en Ligue des Champions signifiant l’abandon de ses trois couronnes européennes face à une Ajax Amsterdam qui ravit l’Europe du football, un clasico en Liga entre les deux rencontres citées précédemment qui se soldera par une défaite du Real sur sa pelouse face à son ennemi honni, le Real Madrid, qui s’était relancé dans toutes les compétitions qu’il jouait, a tout perdu en une semaine : un triplé peu glorieux pour celui qui était encore quelques mois plus tôt le triple champion d’Europe en titre. En l’espace d’une semaine, l’équipe de Solari a mis fin à sa saison et va connaitre une fin d’exercice sans aucun enjeu si ce n’est celui de se maintenir dans le top 3 du championnat.

Malgré sa victoire face à Valladolid, le mal est fait et Santiago Solari est limogé. Zidane revient avec l’objectif de finir décemment la saison en cours (du moins avec le peu de décence qu’il reste au club après une telle saison) et surtout de se projeter dans l’avenir pour remettre le Real Madrid à la place où il l’avait laissé. Dès lors, pendant les derniers matches de cette saison sans saveur, Zidane profite pour faire une revue d’effectif et concerner tout le monde dans le finish de ce long calvaire pour les Madridistas. Les dernières confrontations sonnent quasiment comme un long marasme avant la délivrance estivale et cette impulsion promise par l’état-major du Real Madrid ; l’heure est aux spéculations et aux nombreuses rumeurs du côté de la capitale espagnole.
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LES ENSEIGNEMENTS A TIRER DE CETTE SAISON
Cette saison est, malgré la succession d’échecs cuisants pour le Real, une saison à ne pas oublier à bien des égards.
On peut regretter plusieurs choses : le manque de recrues pour Lopetegui qui n’a pas disposé d’une enveloppe à la hauteur de ses ambitions et de son projet de jeu, la mauvaise gestion des mercato passés qui ont eu pour conséquences le déroulement de cet exercice, ne pas avoir attiré de noms ronflants pour « remplacer » Cristiano Ronaldo, la gestion du cas Gareth Bale qui n’est plus du tout en odeur de sainteté à Madrid, un effectif loin de répondre aux attentes et d’être prêt à défendre les intérêts de la Casa Blanca sur la scène domestique et continentale. Autre regret et pas des moindres : le manque de temps accordé à Julen Lopetegui pour mettre en place ses idées ; lorsque que l’on compare les trois derniers coaches du Real Madrid (Zidane, Lopetegui et Solari), il est celui qui aura proposé le Real le plus agréable et le plus séduisant à voir jouer. Les tentatives pas toutes fructueuses couplées à l’exigence de résultats, ainsi qu’au groupe qui n’est jamais vraiment entré dans sa saison et l’impatience d’un public qui n’a jamais faim de victoires et de titres auront eu raison de lui. Quant à Santiago Solari, il ne manquera pas au public madrilène : entre sa gestion du cas Isco et ses idées de jeu, peu de personne regretteront son départ. Son 4-3-3 rigide était plutôt frileux offensivement et ne se reposait que sur les exploits du duo Benzema-Vinícius. Il aura néanmoins réussi de cette manière à relancer le club un temps avant de tout perdre en une semaine.
Malgré tout cela il y a également du positif. A commencer par la saison exceptionnelle de Karim Benzema qui est actuellement à trente buts toutes compétitions confondues et qui prouve qu’il peut aussi jouer comme un vrai numéro 9. Dans le contexte du club, sa saison est à bien des égards stratosphérique, et avec un effectif plus au niveau qui se serait mis dans son sillage, on peut sans aucun doute affirmer que la saison du Real aurait été bien meilleure. Notons également la bonne saison de Marcos Llorente qui au poste de milieu défensif est devenu un véritable concurrent pour Casemiro grâce à sa vista, sa très bonne lecture du jeu et son activité sur le terrain. Toujours au milieu de terrain, Federico Valverde est une promesse également qui n’a pas démérité lorsque l’on a fait appel à lui. L’uruguayen est un milieu à l’aise techniquement, ayant une bonne vision du jeu et étant très bon à la récupération du ballon avec cette grinta propre aux joueurs sud-américains. Plus qu’une promesse, il est une garantie pour des jours meilleurs. Brahim Diaz, fraichement arrivé en janvier 2019 est aussi une promesse du club. Polyvalent et mobile sur tout le front de l’attaque, vanté pour son écoute et son travail, il constitue également un motif de satisfaction. Ses appuis toniques, sa qualité technique balle au pied et son envie de toujours faire mieux font de lui un élément à observer avec attention les saisons prochaines.
<img class="size-full wp-image-674 aligncenter" src="https://arretsdejeublogdotcom.files.wordpress.com/2019/04/vinireguiodri.png" alt="VIni Alvaro Odriozola, Sergio Reguilón et Vinícius Júnior, l’avenir du Real MadridEnfin, les deux coups de cœurs du peuple madridista de cette saison : tout d’abord le canterano, Sergio Reguilón, défenseur gauche formé au club qui a une abnégation de tous les instants et qui s’est révélé au milieu des soirées noires qu’ont été les clasicos en 2019. Un joueur qui va toujours de l’avant et qui se bat défensivement, sans aucun doute le prochain symbole madridista de l’effectif.
Ensuite la pépite brésilienne Vinícius Júnior qui pour ses premiers grands matches a impressionné. Son aisance technique, ses dribbles et son insolence dans le jeu lui ont vite fait une place dans le 11 de départ de Solari et dans le cœur des supporteurs du Real Madrid. Un visage de bébé, une envie de spectacle (malgré des lacunes à la finition), il a été l’élan d’enthousiasme au cœur d’une période sombre et sans idée ni recours tactique symbolisé par ce 4-3-3 rigide de Solari. Titulaire rapidement indiscutable, il forme un duo complémentaire et pétillant avec l’autre grand bonhomme de la saison madrilène Karim Benzema, qui l’a pris sous son aile au cours de la saison ; et avec l’arrivée quasi actée d’Eden Hazard au Real Madrid, bon nombre de supporteurs s’imaginent déjà le voir davantage progresser aux côtés du génie belge et de l’attaquant français. Enfin, petite mention pour Alvaro Odriozola, le latéral droit qui est un élément plein d’envie, qui multiplie les courses et les efforts sur son coté ; il fait une très bonne doublure de Dani Carvajal et est, au même titre que Reguilón, l’avenir du Real Madrid et de la Roja.
La Tricherie