Pierre Ménès, le début de la fin des privilèges ?

Pierre Ménès pris depuis plusieurs semaines au sein d’une tourmente médiatique suite aux révélations sorties dans le documentaire « #JeNeSuisPasUneSalope, Je suis une journaliste ».

Vous n’avez pas pu passer à côté de cette actualité et si c’est le cas, nous revenons aujourd’hui sur Pierre Menès car le consultant de Canal + subit depuis quelques semaines déjà un feu nourri de critiques. Attaqué et acculé de toute part, le harceleur se retrouve dans la position du harcelé. La faute à une grande g**** qui ne revient pas à tout le monde (à commencer par bon nombres de footeux avec qui il a déjà eu maille à partir – coucou Pat’ Evra) mais pas que… Car si nous reviendrons plus tard sur la personnalité du journaliste, aujourd’hui nous nous attarderons dans un premier temps sur l’homme Ménès.

Comme vous l’avez lu en préambule, les termes harceleur/harcelé n’ont pas été sélectionnés anodinement. Pierre Ménès est actuellement inquiété pour une ou des affaires de mœurs (on parle d’agression sexuelle) et des interrogations ont été soulevées sur l’implication de la chaine Canal+. En effet, le dimanche 21 mars était diffusé le documentaire de la journaliste Marie Portolano « #JeNeSuisPasUneSalope, je suis une journaliste ». La polémique est née de la censure par la chaîne de certaines interventions de Pierre Ménès. Si le documentaire a bel et bien été diffusé comme prévu, les propos litigieux et les images qui incriminaient ou à tout le moins mettaient Ménès dans une position très délicate, ont eux été purement et simplement coupés lors de ladite diffusion par la chaîne (rappelons pour ceux qui ne le savent pas qu’il s’agit de l’employeur actuel de Ménès, chroniqueur du Canal Football Club – CFC pour les intimes). Ce qui n’a pas manqué de faire réagir autant que d’éveiller les suspicions quant à la teneur de ceux-ci.

Après une brève recherche sur le net, l’extrait est disponible sur Youtube et son visionnage a de quoi laisser pour le moins pantois. On peut y voir Pierre Ménès échanger avec son ancienne collègue Marie Portolano sur certains épisodes pour le moins gênants de leur collaboration. La journaliste remémore notamment l’épisode d’une jupe soulevée, sans que celui-ci ne fasse directement écho dans le souvenir de Ménès. Pire, une fois la mémoire recouvrée il feindra l’étonnement avant de tenter de minimiser son impact.

Lien de la vidéo ici : https://www.youtube.com/watch?v=I8urH9sd7-Y

Malheureusement, ce triste épisode ne constitue pas un épiphénomène pour monsieur Ménès qui a selon sa conception le droit de vanner les femmes et de prendre des libertés avec le respect des règles de bienséance et de courtoisie; justement sous prétexte de ne pas verser dans une discrimination de genre. Se montrer tantôt graveleux, tantôt entreprenant allant jusqu’à embrasser des femmes sur les plateaux télé serait quelque chose de « normal » dans le monde de Pierre Ménès. Mais pas que dans le sien visiblement puisque ses dérapages récurrents se sont produits aussi bien chez son employeur Canal+ que sur d’autres plateaux. On peut citer l’émission de Cyril Hanouna TPMS (Touche Pas à Mon Sport présenté par Estelle Denis). Qui laissera l’ensemble de l’audience hilare au moment des faits (le son de cloche n’est évidemment plus le même aujourd’hui à l’aune du tollé généralisé provoqué par les révélations du documentaire de Marie Portolano, tiens tiens…)

Lien de la vidéo ici : https://www.youtube.com/watch?v=PBQmQEowdL0

Alors bien que Marie Portolano n’entendait pas déclencher une chasse à l’homme ayant pour cible le chroniqueur phare du CFC, son documentaire aura eu le mérite de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Et d’inviter les différents acteurs du paysage médiatique français à se remettre en question. Remise en question non seulement concernant les pratiques pointées du doigt par le documentaire mais c’est aussi et surtout l’occasion de mettre un certain nombre d’acteurs du milieu journalistique devant leur responsabilité. Comme l’appelait de ses vœux la ministre des Sports Roxana Maracineanu qui demande à « ceux qui sont en responsabilité de mettre à l’antenne et de légitimer » des hommes comme Pierre Ménès de réagir. « On vit dans une autre époque, il faut que ça change ». L’épisode Ménès pose à nouveau la question de la responsabilité des médias et de la déontologie, qui dit journalisme dit ligne éditoriale. Et le propre d’une ligne éditoriale c’est d’adopter un positionnement, celui-ci devant représenter les valeurs que ce même média entend défendre. Youssoupha disait « qui prétend faire du rap sans prendre une position du kamasutra ? » et c’est à peu près là qu’on se trouve, il faudra prendre très prochainement des positions très claires sur le cas Ménès mais pas que.

La ministre des Sports a été claire sur la question, l’affaire Ménès doit être réglée par son employeur, c’est-à-dire Canal +. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cela avait plutôt mal démarré avec ce qui ressemble beaucoup à des tentatives de dissimulation au moment de la diffusion du reportage. Après le principal protagoniste de cette affaire a joué de maladresse autant que de mauvaise foi, passant du CFC au CSC. En adoptant dans un premier temps une attitude victimaire, allant même jusqu’à renverser les rôles en s’offusquant de ce qu’il considérait alors comme une kabbale médiatique. On peut s’étonner et s’interroger sur la stratégie et la gestion de la chaîne Canal par rapport aux premières sorties et saillies verbales de Ménès, les extraits litigieux et censurés du documentaire ayant été divulgués au grand public sur le plateau de Cyril Hanouna (tiens tiens encore lui). C’est en effet, dans les studios de C8 qu’il avait choisi d’aller exercer ce qu’il considérait comme un droit de réponse aux accusations qu’il a qualifié « d’une grande violence non seulement à son encontre » mais aussi à l’encontre de sa femme et toute sa famille. Des accusations graves autant que la réponse qu’il y a apporté, un laconique :  » on ne peut plus rien dire aujourd’hui ! » A en croire Pierre Ménès, le problème ne résiderait pas dans les comportements pointés du doigt mais plutôt dans l’omnipotence de la morale bien-pensante et les mouvements dans la lignée de #MeToo.

Ligne de défense pour le moins particulière (voilà pourquoi on parlait de CSC), cela lui vaudra une volet de bois vert et un nouveau déferlement des réseaux sociaux, il aura donc fallu attendre un nouveau dérapage verbal et une mise sur le grill médiatique pour que Pierre Ménès reformule alors un mea culpa « digne de ce nom » revenant sur ses propos et s’auto-incriminant. C’est également dans la foulée de cet emballement médiatique cette fois que son employeur Canal + a pris la décision de suspendre son truculent chroniqueur « jusqu’à nouvel ordre » et de suspendre l’émission du CFC qui suivait le weekend du 28 mars. Ils pourront sûrement arguer que la trêve internationale était propice à une mise au repos de l’équipe de rédaction, ce qui s’appelle jouer la montre, le timing est parfait #arretsdejeu.

Mais on ne devrait pas en rester là puisque dans le même temps, il se murmure que d’autres langues se délieraient en coulisse. De nouvelles allégations feraient surface et également d’autres plus anciennes qui auraient en leur temps été étouffées dans l’œuf pour couvrir les agissements du trublion qui n’en serait visiblement pas à son coup d’essai (practice makes perfect ?) Toutes ces informations sont bien entendu à prendre au conditionnel, une enquête interne est actuellement en cours. Il ne s’agit nullement de se substituer au travail de la justice si les accusations proférées contre Ménès devaient déboucher sur des poursuites judiciaires, il est primordial de ne pas perdre de vue la présomption d’innocence. Cependant si cela devait se terminer par une mise en examen de Pierre Ménès, une deuxième question s’ouvrirait concernant la responsabilité de la chaîne à savoir ce que l’on pourrait appeler le droit à la rédemption une fois sa peine purgée. Que faire de la brebis galeuse ? Pierre Ménès peut-il avoir un avenir journalistique au sein du groupe Canal ou même un avenir médiatique tout court ?

Roxana Maracineanu l’a dit :« On vit dans une autre époque, il faut que ça change », il y aura un avant et un après Ménès. Aujourd’hui le paysage médiatique francophone évolue lui aussi, Pierre Ménès l’a dit « Je ne joue pas un personnage, je suis comme cela et c’est pour cela qu’on m’a embauché(…), Canal m’a pris pour ma personnalité! «  Le chroniqueur devra faire son examen de conscience quelle que soit l’issue de cette affaire et il semble vouloir avancer dans cette direction (laissons lui le bénéfice du doute). Reste à savoir si son employeur aura à cœur de poursuivre la même démarche afin de se doter de collaborateur en adéquation avec les valeurs qu’il entend défendre. Car dans toute rédaction, il se joue une lutte entre des intérêts divergents : d’une part un devoir d’information et de l’autre un devoir de rentabilité pour assurer la pérennité de l’activité.

Deux positionnements distincts donc le devoir d’information qui s’oppose à la course à l’information ou au buzz. Rendre compte de l’information de la manière la plus transparente et directe, rendre cette information attractive et intéressante, être le premier sur l’actualité et offrir un contenu diversifié et labellisé par des journalistes reconnus pour leur expertise. Information versus divertissement, la course à l’audimat fait peser une pression constante sur les acteurs du système médiatique, à commencer par les journalistes. Le propre du métier de journaliste est de savoir transmettre au plus grand nombre l’information de façon la plus rapide et complète mais avec les impératifs de rentabilité qui prennent de plus en plus de place, on assiste peu à peu à un basculement ou un effacement de certaines frontières. On est passé d’un devoir d’irrévérence qui était en fait ce qui garantissait le caractère indépendant de la presse face aux puissants, cette capacité à pouvoir critiquer le pouvoir, aborder les sujets qui fâchent au nom de l’intérêt général; à son total opposé. Au devoir d’irrévérence s’est substitué ce qu’on pourrait qualifier d’un droit d’offenser.

Le passage d’un journalisme d’investigation à un journalisme de « provocation », le journaliste ne travaille plus pour dévoiler au grand public des sujets tenus secrets mais pour satisfaire la/les demandes des annonceurs avec des contenus plus sensationnalistes qui garantiront la plus grande audience grâce à des contenus moins fournis. Et c’est exactement le rôle-là que jouait Pierre Ménès au CFC, avec sa gouaille et son franc parler, il a contribué à populariser le trash talking * dans la sphère médiatique française. Passer maître en la matière dans l’exercice tant sur les plateaux télé que sur les réseaux sociaux, on ne compte plus le nombre de fois où il a eu maille à partir avec joueurs/entraîneurs et autres acteurs du foot ces dernières années. Et bien souvent cela déborde du sportif à l’extra sportif et les noms d’oiseaux et invectives fusent dans les deux sens.

  • Définition wikipédia du trash talking : » Le trash-talk est une forme d’insulte que l’on trouve généralement dans les événements sportifs, bien qu’elle ne soit pas exclusive aux sports ou aux événements caractérisés de manière similaire. [1] [2] Il est souvent utilisé pour intimider l’opposition et / ou les rendre moins confiants dans leurs capacités pour gagner plus facilement, mais il peut également être utilisé dans un esprit humoristique . Le trash-talk est souvent caractérisé par l’utilisation d’ hyperboles ou de langage figuratif, comme «Votre équipe ne peut pas courir! Vous courez comme du miel sur la glace! Les calembours et autres jeux de mots sont couramment utilisés. »

Ici un florilège de ses clashs les plus « légendaires » : https://le10sport.com/football/ligue1/psg/top-10-des-clashs-de-pierre-menes132508

On l’a compris Ménès est sur Canal pour faire du Ménès et ça marche (ou du moins cela marchait jusqu’à il y a peu), sa dernière victime en date n’était autre qu’Angel Di Maria ou plutôt sa femme. Il y a de cela quelques semaines, alors qu’ils disputaient une rencontre de L1 face aux FC Nantes, deux joueurs du PSG ont été victimes d’un homejacking (séquestration de leur famille respective : Marquinhos et Di Maria). Alors que l’information est communiquée en plateau, Ménès se fend d’une déclaration ironisant sur l’évidence de la présence de Mme Di Maria au domicile familial, précisant que le couvre-feu et le confinement ne lui permettaient pas de pouvoir être en boite comme ce serait son habitude en temps normal.

Lire l’article en lien : https://www.sports.fr/football/psg/di-maria-pierre-menes-sexcuse-apres-propos-scandaleux-440348.html#item=1

Encore une fois, on peut le constater le chroniqueur est souvent à la limite voire bien au-delà de ce qui est tolérable de la part d’un personnage public et a fortiori quand celui-ci est censé être journaliste sportif. Et comme à chaque fois que l’on chasse le naturel, il revient en Ferrari, quand Ménès est pris en défaut par ses propos relevant plus souvent du commentaire que de l’analyse; son premier réflexe et mécanisme de défense est de feindre l’étonnement face à l’émoi suscité par ses prises de parole. Le tout souvent agrémenté d’une bonne dose de sarcasme voire de cynisme ne comprenant pas comment (avec son passif et son amour des « bons » mots) on peut oser le prendre au premier degré sur des sujets si sensibles. Sa fonction première étant, rappelons le, de rendre compte de l’actualité sportive et livrer des analyses footballistiques pertinentes autant que faire se peut. Enfin cela bien entendu si on suppose que c’est ce que lui impose son cahier des charges et son employeur dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail; et si c’est ce pour quoi il a été embauché.

Gageons que Pierre Ménès ne sera pas uniquement l’agneau sacrificiel sur l’autel des principes de respect et d’égalité mais que son cas servira d’exemple vers un mouvement plus global dans la sphère médiatique. Une chose est sûre : ce n’est qu’un début et dans une guerre chaque bataille compte pour se rapprocher de la victoire finale, chaque point pris également. Nipsey disait « The Maraton Continues! »

N’oubliez pas que « ce n’est pas parce qu’on ne joue plus que le jeu s’arrête ! »

Chris Tshiunza

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