
Une feinte de corps, un dribble, deux dribbles, un pétard, comme son but contre Liverpool. Oui, on prend autant plaisir à regarder jouer Éden Hazard, que lui en prend sur les pelouses anglaises. Devenu même un vrai leader en sélection, prenant le rôle de capitaine en l’absence d’un certain Vincent Kompany, régulièrement blessé, Éden Hazard est fort. Trop fort.
Belge, talentueux, technique, rapide… Éden Hazard semble n’avoir que des atouts. Après sa coupe du monde réussie et un match exceptionnel contre le Brésil comparé par beaucoup au match de Zinedine Zidane (son futur coach au Real Madrid d’ailleurs si on en croit les rumeurs) en 2006, le londonien continue de briller sous les couleurs bleues d’un Chelsea « sarriballesque » malgré les difficultés de son équipe, plutôt mal classée et en manque de régularité. Peu importe, ce style offensif a l’air de mieux convenir à Éden qui semble se plaire dans cette approche évidemment différente de celle d’un Mourinho ou d’un Conte un peu trop souvent défensive.

Admiré des uns pour ses qualités techniques, entre autres, l’aîné de la famille Hazard fut décrié par les autres ces dernières saisons pour un rendement largement améliorable. Parce que oui, en Premier League, Hazard n’a jamais dépassé la barre des 16 buts, et si sa meilleure saison statistiquement parlant rien qu’en premier League l’a vu n’être que 23 fois décisif (14 goals et 9 assistes en 2014/15 en 38 apparitions), il cumule déjà un total de 13 buts et 11 assistes en 29 apparitions (26 titularisations) cette saison. Beaucoup réclamaient l’occasion d’observer Éden dans un schéma tactique plus offensif, et ça lui réussit, bien que ses teammates peinent parfois à élever le niveau dans les moments clés, comme lors du 6-0 pris contre Manchester City où seuls Higuain et Éden (encore lui) se sont montrés dignes.
« Hazard est le meilleur joueur d’Europe. » Maurizio Sarri
Si à 28 ans le chouchou des belges fait planer le doute quant à sa capacité à décrocher un jour le ballon d’or, son coach Maurizio Sarri n’a pas tergiversé lorsqu’il s’agissait de louer son meneur, déclarant même qu’il est le meilleur joueur d’Europe. Et en toute honnêteté, à part Lionel Messi… (et peut être Cristiano Ronaldo dans un tout autre registre) qui est plus fort que Éden Hazard aujourd’hui ? Frappes sèches, slaloms, protection de balle, accélérations, combinaisons. Éden est dans la forme de sa vie. Décisif grace à un doublé face à la Russie jeudi soir avec l’équipe nationale, un nouveau but hier a permis à Hazard de briller dans cette campagne de qualification pour l’Euro 2020, démontrant encore une fois pourquoi l’Europe est à ses pieds, et notamment un certain Réal Madrid. C’est clair, cette approche offensive en club le met à l’aise, et ça se ressent ; il s’amuse.
Les problèmes Mourinho et Conte
À Chelsea, Hazard est moins esseulé devant et a plus d’aisance pour combiner et trouver les espaces balle au pied, ce qui lui permet, lorsqu’il le décide, de trouer les rideaux défensifs des équipes adverses dont les joueurs n’hésitent d’ailleurs pas à chatouiller ses chevilles. Éden joue comme au parc, Éden se balade à l’aide d’un crochet intérieur droit et d’une protection de balle sans faille. Éden est zen. Et, même quand on pense être sur le cuir avant lui, il n’en est rien.
Sous José Mourinho, les stats de l’ex-lillois n’ont jamais été flamboyantes. Et pour cause, un jeu défensif, rigide dans lequel la créativité et l’expression de soi n’ont pas toujours été les bienvenues. On se rappelle les tensions entre les deux hommes lorsque l’entraîneur avait mis son ailier de coté, lui reprochant des lacunes défensives alors que Chelsea concédait un nombre de goals trop élevé. Mais aussi, Mourinho reprochait à Eden Hazard un manque de sacrifice pour le groupe : « Éden est le genre de joueur qui n’a pas la mentalité pour regarder derrière et venir aider son arrière-gauche et donner sa vie pour lui ». Bref, le Mou demandait à son joueur de défendre comme tout le monde et ne passait pas par quatre chemins pour lui faire savoir quand il n’était pas heureux de son rendement tactique. Il n’avait pas hésité à laisser Hazard sur le banc lors d’un match contre Aston Villa avant de déclarer : « J’ai mis Hazard sur le banc parce que nous encaissons trop de buts. Cela restera comme ça tant qu’il ne jouera pas comme nous essayons de le faire ». Comme quoi…
Aux ordres d’Antonio Conte, Éden Hazard n’a pas éprouvé grand plaisir non plus. En effet, la relation entre les deux hommes s’est vite dégradée quand la tactique de l’italien s’est révélée beaucoup trop défensive et rigide, à l’image de celle d’un José Mourinho. Conte n’a pas feint de critiquer sa star, ni de le mettre sur le banc, à cause de désaccords. Hazard non plus n’a pas toujours pris des pincettes, lâchant même ceci après un contre performance face à… Manchester City (encore eux) : »Quand tu quittes le terrain et que tu as l’impression d’avoir couru, mais pas d’avoir joué un match de foot, c’est dommage. On aurait pu continuer à jouer pendant trois heures et je n’aurais quand même pas touché un ballon« . Des mots durs qui témoignent de l’agacement du joueur dans un système qu’il n’appréciait guère, et dans lequel il devait parfois redescendre défendre pendant de longues minutes avant de pouvoir toucher un ballon.

Deux coachs et pourtant deux philosophies quasi semblables, bien que leurs approches respectives soient différentes. Avec Mourinho, Éden Hazard a marqué 14 goals et délivré 9 assists en PL lors de sa saison la plus prolifique sous les ordres de José contre 16 réalisations et 5 assists lors de sa meilleure saison (statistiquement) avec Conte en PL. Avec Sarri, le Belge est déjà 13 buts et 11 assistes, dans un Chelsea qui semble dépendre de lui, un Chelsea qui compte souvent sur une étincelle de sa star pour montrer les crocs.
Bien sûr, les statistiques ne sont que des détails du football. Ces stats ont une importance, certes. Mais pris hors contexte, elles sont loin d’être vraiment révélatrices. Car le meneur de jeu est bien plus qu’un simple joueur de chiffres ; il fait le jeu, il distribue, il marque, il passe. Il s’occupe de tout, en témoigne sa position sur le terrain parfois très basse lorsqu’il tente d’être créatif à partir de la deuxième et parfois troisième ligne.
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Le blanc lui irait si bien
Si la prochaine étape sera primordiale pour Éden, puisque ses détracteurs attendent un Hazard performant en ligue des champions, les rumeurs l’envoient du côté de la maison Blanche où le joueur semble avoir concaincu Zizou et Florentino Perez de miser sur lui. On espère donc le voir à l’œuvre la saison prochaine, au Real Madrid sous les ordres d’un Zidane maître dans la compétition européenne. Et nul doute qu’il fera taire les critiques tant son talent est indéniable et encore plus éclatant combiné à une tactique offensive. Et puis, ZZ au Real Madrid… Ligue des champions… bref on se comprend.
En manque de percussion avant les débuts de Vinicius Jr, le Réal Madrid avait perdu de sa splendeur. Cristiano Ronaldo parti, Benzema, malgré ses quelques goals, n’a pas réussi à devenir le tueur escompté devant le but. Comme on l’a vu dans les Clasico, la maison blanche a souvent connu des faiblesses au niveau de la réalisation, mais aussi dans la variation du jeu. Pourtant constitué de stars ayant tout gagné, c’est sur un gamin de 18 ans que l’équipe (et le public aussi) comptait pour amener les étincelles. Seulement voila, Vinicius est jeune et manque encore de maturité, surtout dans le dernier geste. De plus, sous l’ère Zidane acte I, le Réal Madrid proposait un schéma offensif dans lequel les ailes étaient occupées par les arrières latéraux qui apportaient énormément de centres. Une tactique qui, quand Cristiano Ronaldo est devant, s’avère efficace (la Juventus a pu le constater), mais qui se révèle compliquée en l’absence du Portugais. Aujourd’hui, les madrilènes n’ont plus le choix et doivent impérativement varier les plaisirs lors les phases offensives. Nul doute qu’un Éden Hazard possède les qualités nécessaires pour apporter cette touche de folie. Depuis toujours, le Belge possède cette faculté à toujours se projeter vers l’avant balle au pied, éliminant parfois 3 ou 4 joueurs et créant des espaces parfaitement exploitables. Pas la peine de le cantonner dans une zone fixe, c’est la liberté qui le rend extraordinaire et qui lui permet de rythmer le jeu, en partant du coté gauche, du coté droit ou bien de l’axe du terrain, comme le montre cette analyse de Pat Nevin. On l’adore.
En attendant que nos voeux se réalisent, laissons le meilleur joueur de Premier League terminer sa saison avec, on l’espère, un trophée individuel à la clé, ainsi qu’une victoire en Europa League. Qu’il nous mette encore d’autres buts comme celui inscrit face à Liverpool aussi, ça ne fait pas de mal, et c’est ça qu’on aime. C’est ça, le jeu.
Alexander Anderson
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