
Grâce à leur victoire face aux Lillois de Christophe Galtier le vendredi 2 novembre, les joueurs du PSG enregistraient une douzième victoire consécutive en Ligue 1 depuis le début de la saison et marquaient l’histoire du football européen en battant le record de Tottenham (11 victoires consécutives) datant de la saison 1960-61. En effet, le Paris Saint-Germain est devenu la seule équipe européenne à démarrer une saison en gagnant ses 12 premières rencontres… Et ça n’est pas fini puisque Monaco lors de la 13e journée, puis Toulouse lors de la 14e journée, ont eux aussi subi une défaite face à l’ogre parisien (en France du moins). Malgré cette supérioté flagrante en Ligue 1, ils connaissent d’énormes difficultés en C1. Toutefois, ces échecs ne sont pas anodins et s’il n’y a qu’un « O » entre rugissement et rougissement, les Parisiens connaissent parfois quelques bas qui leur donnent un moral dans les chaussettes… c’est cadeau pour le jeu de mots.

UN BILAN EUROPÉEN GLOBAL MITIGÉ
46 buts marqués, 7 buts concédés, voilà le bilan affiché en Ligue 1 par les Parisiens après 14 journées. Clairement, la bande de Neymar écrase tout sur son passage, laissant le deuxième du championnat (en l’occurrence Lyon) à déjà 15 points de retard. Très grand favori de cet exercice 2018-2019 (rien de surprenant), le PSG affiche un bilan plus mitigé en Ligue des Champions dans le groupe C (composé de Liverpool, Naples et l’Étoile Rouge de Belgrade) avec une victoire, une défaite et deux matches nuls.
Depuis le rachat du club de la capitale française par les Qataris (70% des parts) en mai 2011, les ambitions et les objectifs ont logiquement grandi. Grâce à sa fortune, le QSI (Qatar Sports Investments) représenté par Nasser Al-Khelaïfi a permis les arrivées de gros joueurs année après année, mais également d’entraîneurs confirmés ; à commencer par Carlo Ancelotti qui a remplacé Antoine Kombouaré. Si le PSG enregistre une première saison blanche sous « l’ère qatarie », il parvient à remporter le championnat lors de la saison suivante (2012-13) et à atteindre les quarts de finale de C1, déchu par le Barça (sans perdre : 2-2, 1-1) dans une double confrontation superbement abordée par les hommes de « Papa Carlo ».
Les bases du projet semblent posées. Nasser Al Khelaïfi ne trompe pas sur son objectif : construire une équipe qui pourrait rivaliser avec les cadors européens que sont le Real Madrid, le FC Barcelone ou encore le Bayern Munich, à l’aide d’un plan économique solide et du recrutement de grosses pointures. En effet, depuis quelques années, l’Europe est le témoin de dépenses énormes du côté parisien afin d’attirer de grands noms du football : Carlo Ancelotti, Laurent Blanc, Unaï Emery (en tant que coaches), Maxwell, Zlatan Ibrahimovic, Di Maria, Thiago Silva, Thiago Motta, Dani Alves, ainsi que Neymar ou Mbappe plus récemment… Pourtant, malgré ce budget largement au dessus de la moyenne, des joueurs confirmés et une facilité déconcertante en Ligue 1 (la victoire finale de Monaco lors de l’exercice 2016-17 fait office d’exception à la règle), le PSG cale dans la compétition européenne la plus prestigieuse qu’est la Champions League.
UN MANQUE DANS LA PRÉPARATION
Comme le dit l’adage, «Rome ne s’est pas construite en un jour», et le PSG n’y échappera point. En effet, chaque projet nécessite de la patience, même quand l’argent est illimité, et les trois premières éliminations consécutives en 1/4 de finale de C1 ne constituaient pas un drame. Mieux, elles avaient permis aux Parisiens de se faire un nom en Europe et de titiller les plus grands, laissant la plupart des amateurs de football penser qu’avec deux ou trois années en plus et quelques joueurs phares, ils pourraient atteindre au moins le dernier carré de la compétition. Seulement, après le départ de Carlo Ancelotti, ni Laurent Blanc, ni Unaï Emery n’ont réussi à amener l’équipe au sommet. Au contraire, on a pu assister à un PSG toujours rugissant en ligue 1, mais rougissant dès lors que les joueurs se retrouvent dans une situation corsée, notamment lors de cette débâcle subie face au Barça de Messi et… Neymar. (victoire 4-0 au Parc, défaite 6-1 au Camp Nou) Ou, plus récemment, lors des rencontres face à Liverpool et Naples.
Tout entraîneur qui se respecte dira que « l’on joue comme on s’entraîne ». Paris domine la Ligue 1 et rares sont les équipes capables de résister à la puissance technique (et économique aussi, qu’on se le dise) du club. Là, est le paradoxe. En effet, si la troupe de Neymar semble s’amuser lors des matches de championnat, elle laisse ce sentiment de lassitude quant au faible niveau des équipes adverses. 3-0, 4-1, 5-0, les scores fleuves n’en finissent plus et même le Clasico (face à l’OM) a perdu en saveur tant les Marseillais paraissent désarmés. Clairement, les rencontres du PSG ont souvent l’allure d’un entraînement pendant lequel les joueurs peuvent tout tenter, marcher, ralentir, passer et chambrer sans se mettre en réel danger.
Mais, dans le football actuel, tourner le bouton est complexe. Ainsi, la facilité presque gênante du match en fin de semaine rend la préparation physique et surtout mentale délicate pour des joueurs censés aller affronter une équipe d’un niveau identique ou légèrement supérieur pendant la semaine. L’issue du match face à Naples lors de la 4e journée de Ligue des Champions appuie l’idée que le PSG, pas habitué à être acculé par un adversaire, perd ses repères et rompt sous la pression lorsqu’il est mis en difficulté pendant de longues minutes, faute de savoir encaisser les coups sans mettre un genou (voire deux) à terre… et la défaite 6-1 face au Barca emmené par… Neymar (encore lui), ne nous contredira surement pas.
En guise de comparaison (car je sais que la comparaison a lieu d’être), Monaco a atteint les demi-finales lors de la campagne 2016-2017. Eh oui, Champions de France à l’issue de l’exercice de cette même saison, Les Monégasques, dirigés par Leonardo Jardim à l’époque, ont lutté chaque week-end afin de terminer sur le devant de la scène avec 95 points, soit 8 points de plus que le PSG (deuxième avec 87 points), ce qui témoigne de la hargne et de la combativité régulières dont les joueurs ont fait preuve pour engranger le maximum d’unités. Cette discipline et l’habitude de préparer et de jouer chaque match comme une finale, acquises pendant la saison, ont clairement permis aux hommes de Jardim d’être rodés pour la campagne de C1 et d’atteindre le dernier carré, une aubaine pour un club qui était loin d’être un favori de la compétition européenne.
STAGNATION ET LAXISME
Dans un entretien accordé à la Gazetta Dello Sport, Laurent Blanc s’attarde sur le sujet, et notamment sur le cas de Marco Verratti. Selon l’entraîneur français, depuis son départ, même si Marco Verratti reste un très bon joueur, il n’a pas progressé, notamment à cause des blessures mais également de la perte de Thiago Motta, un joueur essentiel au développement du natif de Pescara. Seulement, ce défaut de progression touche plusieurs joueurs de l’effectif parisien. Rabiot, Marquinhos, Kimpembe et d’autres connaissent également un frein dans leur évolution. Ce qui n’est pas une surprise quand, depuis quelques saisons, les rencontres compliquées se comptent sur les doigts d’une main et que la facilité du championnat français pour le PSG n’exige rien de plus que le strict minimum, laissant à certains joueurs une liberté énorme ainsi qu’un certain laxisme quant à leurs exigences sportives et leur hygiène de vie.
Et puis, honnêtement, le PSG n’est pas (encore) un grand club. Dans le livre Le leader tranquille de Carlo Ancelotti, un chapitre entier est consacré à l’opinion de Zlatan sur le tacticien italien ; chapitre dans lequel Zlatan évoque son arrivée 6 mois après l’entraîneur qui lui fait part de son envie de faire du club de la capitale un grand club. À cette époque, toujours selon le Suédois, le PSG était bien loin des standards des clubs professionnels dans lesquels Ancelotti et lui étaient passés. En bref, il n’y avait pas grand chose au PSG. Rien d’étonnant (ou presque) si aujourd’hui les « stars » de Paris sont mises sur un piédestal et paraissent plus grandes que le club lui-même. Les Qataris acceptent quasiment toutes les exigences comme le révèle Zlatan Ibrahimovic (encore lui) qui voulait faire capoter son transfert du Milan Ac vers le PSG en demandant l’impossible… qui lui a été accordé.

«ILS (les supporters) EN DEMANDENT BEAUCOUP. C’EST ÉTRANGE AU REGARD DE CE QU’ILS AVAIENT PAR LE PASSÉ. PARCE QU’AVANT ILS N’AVAIENT RIEN.»
C’est la déclaration de Zlatan après un match avec Paris dans lequel les supporters l’avaient sifflé… Neymar qui s’exile dans son pays pour sa revalidation et qui joue au Poker pendant le match de son équipe plutôt que d’être avec le groupe, ou qui fait une fête d’anniversaire la veille d’un match… Tout prouve que le respect du club n’est pas la première préoccupation des joueurs, et cela se ressent. Le fait de courir après un Adrien Rabiot qui se permet de faire la diva dans les négociations de son contrat montre la gestion trop gentille et, dans certaines mesures, amatrice du club qui a tendance à caresser ses « vedettes » dans le sens du poil, même quand elles ne répondent pas spécialement aux attentes. L’entraîneur paie les conséquences de ces traitements de faveur car l’exercice de ses fonctions connaît des réticences énormes, et la crédibilité et l’autorité que le patron (en l’occurence le coach) doit posséder et qui sont essentielles pour mener un groupe vers les titres escomptés peuvent être bafouées.
Prime d’éthique mensuelle, majordome, jets privés… Depuis les récentes révélations des Football Leaks, l’image du Paris Saint-Germain est ternie aux yeux de certains amateurs qui s’étonnent de voir les montants surélevés payés à certains joueurs pour assurer une certaine discipline sur et en dehors du terrain de leur part, ce qui, lorsqu’on joue pour un club ambitieux et professionnel, n’est que logique. 375 000 euros par mois pour « saluer ses supporters en fin de match » par exemple, arriver à l’heure, ne pas faire de vagues sur et en dehors du terrain, ou encore d’autres choses liées à la discipline… Non, on ne rêve pas ; Neymar Jr a bel et bien cette clause dans son contrat et il n’est pas le seul (même si les montants diffèrent). Même si ces primes sont sûrement utilisées pour des montages salariaux et que la réalité est toute autre que ce qu’il est écrit sur le papier, c’est dur d’imaginer que les joueurs puissent se battre jusqu’à la mort pour ce maillot… maillot d’un club qui les chouchoute (à juste titre ou non, selon les goûts) et qui leur donne accès à de nombreux avantages AVANT même que les performances ne le justifient. Difficile aussi d’imaginer qu’un entraîneur puisse avoir d’énormes exigences envers des joueurs extrêmement gâtés, surtout lorsqu’on ne s’appelle pas Mourinho, Ancelotti ou encore Guardiola. On n’est d’ailleurs pas passés à coté des rumeurs concernant le clan brésilien du PSG qui, sous Unaï Emery, aurait eu énormément d’influence sur et en dehors du terrain…
MBAPPE, CAVANI & NEYMAR
Si Mbappe, Neymar et Cavani qui constituent le trio phare de l’équipe française, se montrent efficace cette saison avec 30 buts en Ligue 1 (11 pour Mbappe, 10 pour Neymar et 9 pour Cavani), il serait naïf de penser que les trois hommes ont une entente parfaite. Au contraire, autant surprenant que cela puisse être, 0 est le nombre de fois où Neymar et Cavani ont réussi à se trouver lors des 162 minutes disputées sur les deux premières rencontres de ligue des champions. Et, même si cette statistique s’est légèrement améliorée depuis, dur de ne pas se souvenir du penaltygate qui a eu le don d’énerver l’ancien joueur de Naples – lequel aurait refusé 1 million d’euros lui étant proposé pour laisser Neymar tirer les penalties – et qui laisse penser que la relation entre les deux joueurs n’est pas des meilleures. Mais encore, le petit accrochage entre le Brésilien et l’Uruguayen (voir vidéo ci-dessous) lors de leur dernière confrontation en équipe nationale ne présage rien de très sain. Aussi, même si le Matador possède des qualités énormes, il n’est pas un adepte des petits espaces tandis que Neymar, lui, aime se faufiler dans ces zones et chercher les combinaisons (quand il décide de lâcher le ballon), ce qui réduit les connexions des deux attaquants. De plus, Mbappe exhibe souvent une tendance à tenter de joindre Neymar et à combiner avec celui-ci, laissant Cavani de côté.
Si les rumeurs de départ à propos de l’Uruguayen se multiplient, Thomas Tuchel devra batailler pour que les trois joueurs réussissent à se compléter un minimum tant ils sont importants pour le groupe offensivement mais également défensivement, surtout dans le chef de Cavani, qui possède une mentalité exemplaire et refuse de calculer les efforts, même si on a pu remarquer une ferveur défensive moins flagrante ces derniers temps… Peut-être un signe que le buteur du PSG commence à s’agacer du comportement de ses coéquipiers (Neymar et Mbappe) qui ne semblent pas toujours préoccupés par les tâches défensives.
BESOIN DE LEADER
Peut-on blâmer Neymar qui affiche deux visages face à Naples ? Un Neymar qui percute, accélère, distribue, gagne des fautes, en première période. Et un Neymar qui provoque, ralentit le jeu, garde le ballon inutilement, fait preuve de nonchalance en seconde période. Oui, on peut. Toutefois, cette attitude parfois détestable que l’on retrouvait rarement lorsque la star brésilienne évoluait à Barcelone n’est pas anodine et témoigne d’une carence en leadership dans l’équipe, d’une part, et de performances décevantes des autres joueurs dans les rencontres capitales, d’autre part. Effectivement, « Ney » est souvent le seul joueur qui preste et qui élève son niveau dans les oppositions compliquées. Thiago Silva, censé être le leader, a tendance à s’éclipser lorsque le PSG rencontre un gros poisson. Marco Verratti, lui, arrive à libérer des espaces de temps en temps grâce à sa technique mais n’est pas plus déroutant que ça. Même son de cloche pour Adrien Rabiot. Mbappe quant à lui n’a pas encore étincelé comme à son habitude en C1, à l’image du match contre Naples, où il est tombé sur un Koulibaly monstrueux, qui a presque donné au Bondynois l’image d’un joueur prévisible (J’insiste sur le « presque »).

UNE REMISE EN QUESTION NÉCESSAIRE
Si le Paris Saint-Germain n’est pas loin d’accéder à la table des cadors, il lui manque encore quelques éléments essentiels. Évidemment, il n’est pas possible pour eux de déménager afin de jouer dans un championnat plus relevé. La formule devra donc être trouvée au sein du groupe même. Et la manière de préparer les matches, ainsi que la gestion globale des joueurs, nécessitent une révision si le PSG daigne apprendre la gestion de ses difficultés, mais aussi faire progresser ses hommes dans les domaines indispensables à la réussite globale du club.
Car oui, un club qui aspire à devenir grand requiert une ligne de conduite. Et loin de moi l’envie de comparer l’institution qu’est le Real Madrid et le Paris Saint-Germain (car mon cœur me dit que cette comparaison tend vers l’irrespect), seulement, le PSG devrait prendre exemple sur les plus expérimentés (sur les « Yaya », comme on dit). Lorsqu’un Cristiano Ronaldo se fait recadrer par son capitaine Sergio Ramos après des déclarations malvenues à la suite d’une 3e victoire consécutive en finale de LDC, on comprend la grandeur et l’esprit non seulement des joueurs mais également d’un club qui refuse de se rabaisser, même pour ses plus grandes légendes. Comme dirait l’autre, « pour avoir le respect des joueurs, il faut d’abord que le club se respecte lui-même ».
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Bien que le chantier du PSG semble vaste, les Qataris n’ont sûrement pas dit leurs derniers mots, et la venue de Thomas Tuchel prouve les ambitions d’une écurie audacieuse, même si le début de cette campagne européenne 2018-19 n’est pas une promenade de santé pour Paris.

Gagner les deux derniers matchs est nécessaire afin d’accrocher une place qualificative pour le tour final. L’avenir nous dira si prise de conscience il y a eu. On aura d’ailleurs l’occasion d’observer le leader du championnat français qui tentera d’obtenir les trois points cruciaux au Parc des Princes mercredi soir face à un Liverpool confiant.
Alexander Anderson